Devient-il nécessaire de maitriser l’ingénierie de prompt pour mieux apprendre ?
Évidences #43
Bonjour à tous et à toutes,
Vive les vacances, plus de pénitences ! J'espère que chacune et chacun d'entre vous aborde cette période estivale de manière sereine. De mon côté, après un mois de juin plutôt calme, j'ai vu mon agenda des trois prochains mois se remplir d'un coup en l'espace de quelques jours 😵💫
Au programme d'ici la prochaine rentrée académique : réaménagement et mise à jour de plusieurs parcours de formation à distance, préparation de formations et ateliers pour la communauté universitaire, écriture d'un prochain cahier du LLL sur les compétences émotionnelles… sans compter les imprévus et petits aléas qui se chargeront d'agrémenter et de pimenter le menu. Pas de vacances ni de répit, donc, au moins avant le début du mois d'octobre.
Plein de courage à celles et ceux parmi vous qui restent sur le pont, et plein de bonnes choses aux personnes qui ont déjà pris (ou s'apprêtent à prendre) la route des vacances 😎
À bientôt,
David.
Ce n’est pas un scoop, les outils d’intelligence artificielle générative (IAG) font désormais partie du paysage de l'enseignement supérieur.
Si on reconnait leur utilité pour obtenir rapidement une information, une question fondamentale demeure : la manière dont le public étudiant interagit avec ces outils influence-t-elle réellement la qualité de leur apprentissage ? Une simple question posée à une IA peut-elle être le reflet d'une démarche d'apprentissage superficielle ou, au contraire, d'un véritable travail cognitif ?
C'est précisément cette problématique qu'une étude récente a exploré. L’équipe de recherche a analysé 842 prompts soumis par 140 étudiantes et étudiants en développement logiciel au sein d’une université en Afrique du Sud, lors de la réalisation de leurs travaux pratiques. Objectif : comprendre comment les différentes stratégies de questionnement façonnent l'apprentissage.
Les résultats révèlent cinq stratégies dominantes, dont la fréquence d'utilisation est très inégale :
Les prompts d'instruction directe (60,2 %) : la stratégie la plus courante consiste à poser des questions simples pour obtenir des définitions ou des explications factuelles (par ex. « Qu'est-ce qu'une base de données relationnelle ? »).
Les prompts de guidage pas-à-pas (34,3 %) : ici, les sujets décomposent une tâche complexe en une série de questions logiques, demandant à l'IA de les guider à travers les étapes successives d'un problème (par ex. « Comment puis-je me connecter à une base de données en C# ? » → « Comment puis-je insérer des données en utilisant un clic de bouton ? » → « Comment puis-je afficher les données insérées dans un DataGridView ? »).
Les prompts centrés sur le code (4,9 %) : ces requêtes visent directement la génération de code sans demande d'explication, avec des instructions comme « Donne-moi le code complet pour connecter C# à SQL ».
Les prompts de déboggage (0,5 %) : beaucoup plus rares, ils sont utilisés par les sujets pour résoudre des erreurs spécifiques dans leur code (par ex. « Pourquoi est-ce que j'obtiens une erreur de valeur dans ce modèle Python ? »).
Les prompts réflexifs (0,2 %) : la catégorie la moins fréquente de toutes, qui regroupe les questions démontrant une curiosité intellectuelle et un désir de comprendre les concepts en profondeur, telles que « Quels sont les avantages et les inconvénients d'utiliser des arbres de décision ? ».
L'analyse de ces stratégies révèle ainsi que plus de 94% des interactions se situent à des niveaux assez faibles d’engagement cognitif : les sujets traitent majoritairement l'IA comme un simple distributeur de réponses plutôt que comme un partenaire pour construire leurs connaissances.
Bien qu'efficace pour obtenir une solution rapide, cette approche contourne l'effort nécessaire à un apprentissage durable et profond. Les stratégies les plus bénéfiques (en particulier les prompts réflexifs) sont quasiment absentes. Dans le cas particulier de cette étude – composée d’étudiantes et d’étudiants en développement logiciel –, cette faible utilisation est particulièrement préoccupante, car elle suggère qu’ils et elles passent à côté de l'essence même de leur futur métier (à savoir raisonner, tester et itérer).
Face à ce constat, comment aider les personnes apprenantes à transformer les outils d’IAG en un véritable levier d'apprentissage ? L'étude propose deux pistes d'action concrètes :
Repenser la conception des évaluations. Pour permettre aux personnes apprenantes de mobiliser des compétences de haut niveau (critiquer, évaluer, interpréter, justifier, etc.), il est crucial de concevoir des exercices qui exigent plus qu'une simple restitution.
Enseigner l'art du prompt comme une compétence à part entière. Apprendre à créer de meilleurs prompts (fournir un contexte suffisant, décomposer un problème complexe, demander un raisonnement étape par étape, etc.) pourrait aider les personnes apprenantes à transformer l'IA en un tuteur capable de soutenir leur propre cheminement intellectuel, plutôt que l’utiliser comme simple générateur de réponses.
Alors, l’intelligence artificielle pousse-t-elle les étudiantes et étudiants à la stupidité ou à la fainéantise ? De mon point de vue, bien sûr que non !
Cette recherche met toutefois en lumière un point essentiel : la manière dont les personnes apprenantes dialoguent avec un outil d’IAG relève autant d’une nouvelles habitude d'apprentissage que d’un savoir-faire à développer. Celles et ceux qui abordent ces outils avec curiosité, réflexion et une volonté de comprendre en tireront sans doute des bénéfices bien plus importants. En favorisant activement le développement de meilleures habitudes de questionnement, nous pouvons aider les personnes apprenantes à devenir plus autonomes, critiques et compétentes dans un paysage éducatif durablement transformé par les outils d'IAG.
Cela passera toutefois par deux conditions : d’une part, reconnaitre que toutes les personnes apprenantes ne sont pas égales entre elles en termes de compétences numériques (et en particulier de litératie en matière d’intelligence artificielle) ; d’autre part, accepter que nous avons également notre part de responsabilité envers elles pour les aider à développer ces compétences.
N.B. Cette étude porte sur un échantillon spécifique (public étudiant universitaire sud-africain en développement logiciel). À mon sens, les résultats obtenus au niveau des stratégies de prompts utilisés ainsi que les recommandations peuvent toutefois inspirer nos réflexions et nos pratiques.
Référence bibliographique :
Mutanga, M.B., Msane, J., Mndaweni, T.N., Hlongwane, B.B., & Ngcobo, N.Z. (2025). Exploring the impact of LLM prompting on students’ learning. Trends in Higher Education, 4(3), 31. DOI: 10.3390/higheredu4030031
Un organisme passif n’apprend pas ou très peu. Apprendre efficacement, c’est refuser la passivité, s’engager, explorer, générer activement des hypothèses.
– Stanislas Dehaene, extrait de l’ouvrage “Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines”
📝 Article • Is ChatGPT really rotting our brains?
J’avais évoqué la récente étude du MIT dans la précédente édition en soulignant le tapage médiatique qui en avait découlé. Depuis deux semaines, plusieurs voix commencent à s’élever pour tempérer les humeurs de celles et ceux qui criaient à tort et à travers que l’IA allait nous rendre tous et toutes stupides. En particulier, j’ai beaucoup apprécié cet article de Anne-Laure Le Cunff pour ses propos nuancés. Trois de ses recommandations me semblent particulièrement judicieuses en matière d’apprentissage : rester activement engagé d’un point de vue cognitif, utiliser les outils d’IAG pour nous challenger (mais pas nous remplacer) et faire preuve de prudence quant aux risques de dépendance excessive à ces outils.
P.S. Pour plus de points de vue nuancés concernant les résultats issus de l’étude du MIT, je vous invite également à consulter les posts Linkedin de Bastien Wagener, Albert Moukheiber et Guillaume Tschupp.
📝 Article • My 4-Stage System for Learning Anything New
En lisant cet article, je me suis assez bien retrouvé dans ce système en quatre étapes proposé par Tiago Forte pour apprendre quelque chose de nouveau. La première étape (immersion), consiste à s'exposer au maximum au nouveau domaine en allouant son temps de consommation de contenu (podcasts, newsletters, etc.) pour s'imprégner du sujet. La deuxième étape (construction), implique de créer quelque chose de concret avec les connaissances acquises, même de manière modeste, pour passer de la théorie à la pratique. Vient ensuite la troisième étape (apprentissage structuré), où l'on cherche activement des personnes pour obtenir un retour d'information ciblé et des instructions précises. Enfin, la quatrième étape (connexion), vise à bâtir de véritables relations au sein d'une communauté de pratique.
🎬 Vidéo • How I Manage My Time: The Triage System
Inspiré des pratiques médicales pour gérer et hiérarchiser les tâches, cette vidéo présente un système de gestion du temps appelé “système de triage”. L'idée centrale : l'ordre d'exécution des tâches est plus important que le nombre de tâches accomplies. Le système se décompose en plusieurs éléments : la “réinitialisation quotidienne” pour commencer chaque journée avec une nouvelle perspective ; le “triage en temps réel” pour redéfinir les priorités en distinguant l'urgent de l'important ; le “protocole de la visite de service” pour examiner régulièrement tous les projets en cours et s'assurer que chacun a une prochaine étape claire ; et enfin la “règle des 2 pour 1” qui encourage à aborder les tâches les plus importantes le matin.
😱 Alien : terreur sur grand écran • Ce documentaire retrace la genèse du film culte “Alien” et met en lumière les audaces artistiques qui ont permis au réalisateur Ridley Scott de révolutionner le genre en 1979. Dans l’espace, personne ne vous entendra crier… mais dans votre salon ? 🤭
🧠 Severance (saison 2) • Une deuxième saison légèrement en deçà de mes attentes par rapport à la première. L’univers et les personnages restent néanmoins bien barrés, et j’attends avec impatience la troisième (en espérant que le temps d’attente sera moins long cette fois-ci).
📱 BlackBerry • Un film très sympathique et bien rythmé qui retrace l'ascension fulgurante et la chute tout aussi catastrophique du premier smartphone au monde face à l’engouement provoqué par l’iPhone d’Apple.