Peut-on améliorer ses apprentissages grâce à un état d’esprit stratégique ?
Évidences #51
Bonjour à toutes et à tous,
Nous voici à 30 jours pile du réveillon de Noël, à l’heure où j’écris ces lignes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette année est passée à toute vitesse… encore plus que les précédentes !
Comme beaucoup, la fin d’année rime avec bilan et perspectives. Et après avoir passé le cap des 50 éditions, plusieurs raisons m’amènent à me questionner sur l’avenir de cette newsletter. Si je souhaite poursuivre sa publication, je me rends compte que son format est resté relativement identique depuis ses débuts. Plusieurs raisons — que je vous partagerai sans doute lors de la prochaine édition — me font penser qu’il est peut-être temps de la faire évoluer.
J’ai bien sûr quelques idées, mais qui de mieux que VOUS pour m’aider à y voir plus clair ?… 😁
C’est pourquoi je prépare actuellement un sondage pour récolter vos retours, impressions et souhaits concernant le format et vos éventuelles envies.
Je vous partagerai tout ça dans deux semaines. D’ici là, je vous souhaite plein de courage pour le sprint traditionnel de fin d’année !
À bientôt,
David.
Face à une difficulté d’apprentissage, un réflexe courant consiste à encourager l’effort : « Accroche-toi ! », « Travaille plus dur ! », « Ne lâche rien ! »
Pourtant, nous avons tous et toutes croisé des personnes étudiantes qui, malgré une volonté de fer et des heures de travail acharnées, ne parviennent pas à progresser. Si la persévérance est nécessaire, est-elle vraiment suffisante ?
Une vaste recherche menée auprès de 7.475 étudiantes et étudiants de l’enseignement secondaire et universitaire à Singapour suggère que, pour réussir, il manque souvent une pièce au puzzle : l’état d’esprit stratégique.
Contrairement à l’état d’esprit de croissance (la croyance que l’intelligence est malléable), l’état d’esprit stratégique est une orientation concrète vers l’action et la méthode. Face à des difficultés d’apprentissage, il se définit par la tendance à se poser régulièrement des questions, telles que : « Existe-t-il une meilleure façon de faire cela ? » ou « Que puis-je essayer de différent pour m’améliorer ? »
L’équipe de recherche a mené quatre études pour déterminer si cet état d’esprit pouvait prédire la réussite académique et, surtout, s’il pouvait être cultivé via une intervention brève. Que nous révèlent les premiers résultats ?
L’état d’esprit stratégique prédit la performance. Les personnes étudiantes faisant preuve d’un état d’esprit stratégique mobilisent davantage de stratégies d’apprentissage efficaces (par ex. établir des liens avec leurs connaissances antérieures, identifier les concepts clés, etc.), ce qui se traduit par de meilleures notes aux examens.
Cet état d’esprit peut être enseigné et cultivé. Une brève intervention en ligne de seulement 40 minutes (lecture de témoignages, exercices d’écriture réflexive) suffit pour renforcer l’intention des personnes étudiantes d’adopter des stratégies plus efficaces.
Cependant, la dernière étude – menée sur le terrain auprès d’élèves de l’enseignement secondaire – apporte une nuance fondamentale : si l’intervention fonctionne pour certains profils, elle ne semble pas avoir d’effet significatif pour tous les individus. En effet, l’efficacité de l’état d’esprit stratégique semble dépendre de deux conditions préalables cruciales :
Le niveau de préparation académique. L’intervention a eu un impact positif sur les résultats aux examens finaux, mais uniquement chez les élèves ayant déjà un bon niveau de performance académique l’année précédente. Pour les élèves en difficulté ou disposant d’un niveau moyen, l’incitation à adopter un état d’esprit stratégique n’a pas suffi à améliorer les notes.
L’environnement créé par les pairs. L’efficacité de l’intervention semble également liée à la perception de l’engagement collectif. Les effets positifs n’ont été observés que chez les élèves qui percevaient leur classe comme étant engagée et attentive lors de l’activité d’intervention.
Pourquoi observe-t-on ces nuances ? L’équipe de recherche avance cette double hypothèse : d’une part, pour qu’un élève puisse répondre efficacement à la question « Comment puis-je mieux faire ? », il doit déjà posséder un répertoire de stratégies d’apprentissage variées et efficaces ; d’autre part, l’environnement social pourrait jouer un rôle important dans son développement.
Promouvoir un état d’esprit stratégique semble donc utile, mais ne constitue pas une solution applicable uniformément. Pour en tirer parti, encore faut-il prendre les mesures nécessaires pour permettre aux individus de le cultiver :
Former à l’utilisation de stratégies d’apprentissage efficaces. Inciter les personnes apprenantes à chercher de meilleures méthodes ne suffit pas : il faut explicitement les leur enseigner. Pour les publics moins préparés, l’intervention sur l’état d’esprit stratégique gagnerait à être systématiquement couplée à une formation explicite sur les stratégies d’apprentissage efficaces (comment mémoriser durablement, comment s’auto-évaluer, comment organiser ses révisions, etc.).
Modéliser concrètement le questionnement stratégique. Les équipes pédagogiques peuvent aider leurs publics à développer cette habitude mentale en verbalisant leurs propres interrogations face à une difficulté pédagogique ou en intégrant des questions-guides (prompts) directement dans les exercices et les supports de cours.
Soigner le contexte d’apprentissage. Comme le souligne justement l’équipe de recherche, les interventions psychologiques sont comme des graines : elles ont besoin d’un sol fertile pour germer. Assurer un climat de classe propice, calme et bienveillant semble une condition sine qua non pour que de tels dispositifs portent leurs fruits.
L’état d’esprit stratégique n’est donc pas une formule magique qu’il suffirait d’instiller pour transformer les résultats. Il s’agit plutôt d’un levier qui ne fonctionne que lorsque les personnes apprenantes ont déjà été équipées d’un répertoire de stratégies concrètes et évoluent dans un environnement qui valorise la réflexion. Autrement dit, avant d’inviter quelqu’un à se demander « Comment mieux faire ? », encore faut-il lui avoir montré ce que « mieux faire » signifie dans la pratique.
Référence bibliographique :
Chen, P., Teo, Q.K., Foo, D.X.Y., Jiang, Y., Sun, L., Ong, X.L., Neo, D., Pereira, D.J.H., Tan, B., Chua, K.Q., Gan, J.X.F., & Ong, D.C. (2025). A strategic mindset predicts and promotes effective learning and academic performance. npj Science of Learning, 10:74. DOI: 10.1038/s41539-025-00367-6
The path to breaking bad habits lies not in resolve but in restructuring our environment in ways that sustain good behaviors.
– Jerome Groopman, extrait de l’article “Can Brain Science Help Us Break Bad Habits?”
🛠️ Outil • Tally
Comme je vous le partageais dans l’édito, je prépare actuellement un sondage pour récolter vos retours concernant cette newsletter. Pour ce faire, l’outil que j’ai choisi est loin d’être nouveau, mais je n’avais jamais eu l’occasion de le mettre à l’épreuve. Cet outil, c’est Tally : un outil de création de formulaires en ligne qui se distingue par son interface d’édition minimaliste, fonctionnant exactement comme un document texte (similaire à Notion). Il permet de concevoir des sondages, des quiz et des formulaires de collecte de données élégants et fluides sans aucune compétence technique, simplement en tapant du texte et en insérant des blocs. Au-delà de sa simplicité d’utilisation, j’apprécie particulièrement Tally pour son modèle gratuit extrêmement généreux, offrant un nombre illimité de formulaires et de réponses ainsi que l’accès à la majorité des fonctionnalités avancées. Si vous cherchez une alternative à Microsoft Forms ou Google Forms, je vous le recommande sans hésiter.
📝 Article • We Need to Talk About Scaffolding
Cet article remet en question l’usage courant du terme « échafaudage » (scaffolding) en éducation, arguant qu’il est souvent confondu avec une aide permanente ou une simple différenciation, alors qu’il devrait être par définition temporaire. En effet, sa véritable essence réside dans le retrait progressif du soutien apporté : l’objectif n’est pas de faciliter la tâche indéfiniment, mais de transférer la responsabilité cognitive à la personne apprenante pour qu’elle passe de la pratique guidée à la pratique autonome. L’auteur met ainsi en garde les équipes enseignantes contre les soutiens statiques qui, au lieu de construire la compétence, créent une dépendance à long terme et empêchent les personnes apprenantes de se confronter à la complexité nécessaire à leur développement.
📝 Article • AI-generated lesson plans fall short on inspiring students and promoting critical thinking
Il semble que les plans de cours générés par des outils d’IA générative (tels que ChatGPT) échouent souvent à engager véritablement les élèves. La recherche évoquée dans l’article révèle que, bien que l’IA produise rapidement des structures logiques, environ 90 % des activités proposées favorisent un apprentissage superficiel basé sur la mémorisation (”par cœur”) plutôt que sur la pensée critique, la résolution de problèmes ou l’action civique. De plus, ces contenus artificiels tendent à être génériques, ennuyeux et manquent de diversité culturelle ou de perspectives nuancées. S’ils peuvent fournir des pistes d’idéation pour éviter le syndrome de la page blanche, une révision humaine rigoureuse reste donc encore une absolue nécessité pour concevoir des expériences d’apprentissage inspirantes et pertinentes.
👨🔬 Frankenstein • Guillermo del Toro nous offre ici une réinterprétation gothique et viscérale de l’ouvrage de Mary Shelley, portée par un casting convaincant. S’il prend des libertés par rapport à la première partie du roman, l’esprit y est et j’ai été captivé du début à la fin.
💍 Tolkien : la véritable histoire des anneaux • Amateurs·rices de la Terre du Milieu, un reportage très intéressant portant principalement sur les sources d’inspiration géographique de l’univers de J.R.R. Tolkien. De quoi vous donner envie de prendre des vacances au Royaume-Uni et en Suisse !
🤥 Les aventures de Pinocchio • Les studios graphiques MinaLima nous gâtent en cette fin d’année. Après une édition illustrée et interactive de Harry Potter et la Coupe de Feu et… Frankenstein (encore lui !), vous aurez également l’occasion de (re)découvrir le conte de Carlo Collodi.






