Plutôt que d'ajouter, et si nous considérions également la possibilité de soustraire ?
Évidences #4
Bonjour à tous et à toutes,
Me voici de retour après plusieurs mois d’absence, et je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour ce silence radio. Votre abonnement à cette lettre d’information signifie beaucoup pour moi. Je le prends comme une marque de confiance, et j’estime dès lors légitime – même s’il s’agit d’un service gratuit – que vous puissiez bénéficier de ce pour quoi vous avez souscrit. Alors, que s’est-il passé durant ces derniers mois ?
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : ma maman est décédée. Elle s’est éteinte au mois d’avril dernier, des suites d’un cancer détecté de manière subite et inattendue deux mois plus tôt. Aucun signe avant coureur ne laissait présager une telle issue. Face à la perte d’une personne proche, rien n’est facile… en considérant, bien sûr, le fait qu’on ait vécu une relation saine et positive avec celle-ci, ce qui fut mon cas.
Après une année 2020 qui – comme beaucoup – aura été plombée en raison de la pandémie, une année 2021 marquée par un burnout, cette année 2022 s’annonçait sous de meilleures couleurs : reprise de mon activité secondaire en médiation scientifique (dont cette newsletter constitue l’un des piliers), démarrage d’un projet entrepreneurial avec deux collègues psys… jusqu’à l’annonce de cette nouvelle aux urgences de la clinique Saint-Pierre d’Ottignies au mois de mars. Autant vous dire que la douche fut glacée !
Entre son retour pour recevoir des soins palliatifs à domicile et ses funérailles, le monde s’est arrêté. Comme si le mouvement de l’horloge avait décidé de se mettre sur pause et de déjouer les lois de la gravité. Entre mon activité principale, mes loisirs et mes activités extraprofessionnelles, plus rien n’avait d’importance. Seuls comptaient les derniers moments que je pouvais espérer passer en sa compagnie afin que nous puissions nous quitter comme il se doit, sans regrets. En comparaison à d’autres formes de décès plus brutaux, je mesure, dans un certain sens, la chance qui m’a été accordée de pouvoir l’accompagner dans ses derniers instants.
En revanche, je n’avais pas anticipé les difficultés qui surgiraient par la suite. Après un arrêt de plusieurs semaines, je finissais par tourner en rond. Plus rien n’avait de sens. Ayant décidé de reprendre mon activité de conseiller pédagogique, je me suis heurté à la difficulté d’évoluer à nouveau parmi mes collègues, en ayant le sentiment d’être un OVNI contagieux. Je me suis heurté à l’incompréhension que suscite un deuil en termes d’attitudes et de comportements. Je me suis heurté aux troubles que provoque un tel événement (en matière de sommeil, d’attention, de concentration, de mémoire et de régulation des émotions). Bref… ces derniers mois ont été – et constituent encore – une longue traversée du désert dont j’ai du mal à voir le bout. Si tant est qu’il y ait un bout, ce dont je viens à douter profondément d’après certaines ressources que j’ai pu consulter sur le sujet (entre autre cet excellent épisode du podcast de l’American Psychological Association).
Je n’ai malheureusement pas de conseils à vous donner si vous faites face à une situation de ce type. À tout le moins, je peux partager avec vous ce qui m’a évité de sombrer :
Accepter ses émotions et son ressenti. Un deuil n’est pas l’autre, nous réagissons tous et toutes de manière différente. Il y a des jours où ça va, d’autres où ça ne va pas du tout. Parfois durant une même journée, je me rappelle avoir vécu plusieurs montagnes russes émotionnelles. Pas évident à gérer, mais c’est normal !
Se forcer à sortir. Au bout d’un moment, compter sur la seule motivation ne suffit pas toujours. Parfois, il est bon de se donner un coup de pied au c** (ne fut-ce que pour sortir faire un tour). En ce qui me concerne, même si j’étais loin d’en avoir envie, le fait de reprendre mes répétitions aux Chœurs de l’Union Européenne m’a permis de focaliser mon attention sur le chant, et plus sur mes pensées et mes émotions. De même, sans être un dingue de sport, 30 minutes d’activité physique chaque jour (même simplement un peu de marche) m’ont permis d’avoir un espace pour me défouler.
Faire confiance au temps. Parfois ça peut aller vite, parfois non. Et même s’il y a encore des jours où j’ai envie de hurler, de fracasser la Terre entière et où les rires et le bonheur des autres m’insupportent, j’ai bon espoir que ça finira par passer.
Une chose est sûre, ce deuil a été révélateur et m’a permis de redéfinir mes priorités. Avec le recul des derniers mois, et à présent que je remonte doucement la pente, je me rends compte que trois éléments principaux comptent plus que tout :
Fonder une famille. N’ayant jamais réussi à avoir des enfants de manière naturelle, mon épouse et moi-même nous sommes lancés il y a un peu plus d’un an dans le projet d’adopter un enfant. Parcours long et complexe, sur lequel nous n’avons pas de contrôle à 100%. Mais venant juste de fêter mes 38 ans, devenir papa et fonder une “vraie” famille m’apparait comme vital.
Prendre soin des personnes qui comptent le plus à mes yeux. Hormis mon épouse, je pense en particulier à mon filleul et à sa famille. Flo, si tu lis ces lignes, sache que je compte sur les doigts d’une main les personnes qui m’ont accordé un tel degré de confiance, et j’espère bien m’en montrer digne. La première fois que j’ai pu porter le petit bonhomme dans mes bras m’a permis de prendre conscience que la vie continue. Et que même si elle se montre parfois crapuleusement injuste et dégueulasse, elle comporte aussi son lot de rires et de joies.
Faire décoller mon activité de médiation scientifique en psychologie. Si j’aime mon activité de conseiller pédagogique, elle reste – malheureusement trop à mon goût – cantonnée au monde académique. Or j’aspire également à pouvoir créer plus de ponts entre le monde de la recherche et les autres secteurs. Mon objectif : reprendre un rythme régulier d’écriture et de partage sur les réseaux sociaux. J’espère avoir l’occasion, si le temps et le contexte le permettent, d’explorer d’autres formats (notamment le podcast et la vidéo) dans le courant de l’année 2023.
C’est pourquoi j’ai pris le temps au cours des dernières semaines pour ré-évaluer la complémentarité entre cette lettre d’information et mon blog. J’essaierai, dans la mesure du possible, de continuer à publier deux fois par mois un article de fond sur mon blog. Je souhaite également faire évoluer cette lettre d’information, d’une part en publiant une édition bi-mensuelle (au lieu d’une fois par mois), d’autre part en mettant davantage en valeur la vulgarisation d’une recherche récente qui aura retenu mon attention. J’espère que cette formule vous conviendra et rencontrera votre intérêt. Je reste évidemment à votre écoute pour toute remarque ou suggestion.
Sur ce, je vous souhaite une excellente lecture, et vous dis à très bientôt.
David.
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Développer le sentiment de sécurité psychologique au sein des équipes et des organisations
Au sein de votre environnement de travail, si vous faites face actuellement à un manque de confiance, d’ouverture, de respect ou de transparence, ce peut être le signe que votre équipe n’a pas (encore) développé une sécurité psychologique suffisante. Qu’est-ce que la sécurité psychologique ? Il s’agit d’un climat permettant à chacun et à chacune de s’exprimer ouvertement, de donner son opinion et son feedback. Et ce, sans prendre le risque de ressentir de l’humiliation ou se faire taper sur les doigts par les autres collègues ou par la hiérarchie.
Comment favoriser le développement de ce sentiment de sécurité psychologique ? C’est l’objet de l’article paru sur mon blog le 7 novembre dernier. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous invite à le découvrir.
Lorsque nous rencontrons un problème, deux approches s’offrent à nous pour tenter de le résoudre : ajouter des éléments, ou en retirer. L’une des deux approches est-elle plus bénéfique que l’autre ? Et quelle approche sommes-nous le plus susceptibles d’adopter ?
Dans cette étude, l’équipe de recherche a tenté de répondre à ces questions. À travers une série de huit expériences, ils ont confronté des individus face à des problèmes à résoudre. L’un de ces problèmes concernait l’adaptation d’une structure à base de briques LEGO®. Qu’ont-ils observé ? La majorité des sujets rapportent que la meilleure solution consiste à rajouter trois piliers pour mieux supporter le toit. Alors qu’une solution plus simple – et tout aussi satisfaisante et élégante – consisterait à enlever le premier pilier, le toit restant largement supporté par la base.
Les résultats restent similaires dans les autres expériences : les sujets ont tendance à envisager les changements et adaptations en ajoutant des composants, plutôt que d’en retirer. Alors même que cette dernière solution semblerait plus simple (et parfois même moins coûteuse).
Pourquoi cela ? Une raison tiendrait dans la manière par laquelle notre cognition fonctionne par défaut. En effet, il pourrait s’agir d’une manière d’accélérer et de simplifier notre prise de décisions. Plutôt que de se poser la question “Que peut-on enlever ?”, nous aurions tendance à nous poser plus naturellement la question inverse “Que peut-on ajouter ?”
Une autre raison tiendrait dans le fait qu’enlever un élément peut sembler moins appréciable que d’en rajouter. Le fait de soustraire un composant pourrait sembler moins créatif et moins crédible (en apparence en tout cas). Sans parler non plus de notre tendance naturelle à l’aversion pour la perte (sunk-cost fallacy).
On peut voir l’implication de ces découvertes dans notre quotidien, que ce soit dans le cadre de notre vie privée ou professionnelle : développement logiciel ou matériel, aménagement d’intérieur, création de contenus, etc. Existe-t-il toutefois un moyen de contourner cette heuristique ? Il semble que oui. On peut penser notamment à rendre explicite la possibilité de pouvoir enlever un élément pour résoudre un problème, et à mettre en place des normes sociales favorisant la soustraction (plutôt que l’addition).
Alors, plutôt que de systématiquement ajouter, et si nous considérions également la possibilité de soustraire ?…
🧑💻 Elicit, l’assistant de recherche dopé à l’intelligence artificielle • Pour rechercher des publications scientifiques, peut-être connaissez-vous déjà Google Scholar ? Elicit va un cran plus loin : à partir d’une question de recherche (par ex. ”What are the effects of X on Y”), cet assistant trouve les meilleures publications et génère des informations supplémentaires (méthodes, résultats principaux, critiques possibles…). L’outil en est encore à ses débuts. Il souffre encore de limitations et il ne supporte actuellement que l’anglais, mais il évolue rapidement et semble destiné à un avenir prometteur. En ce qui me concerne, il ne remplace pas encore les autres outils, mais je l’inclus à présent systématiquement dans mon processus de recherche (notamment pour réaliser une revue de littérature rapide).
📝 Rester dans une démarche de développement et d’apprentissage • Que ce soit à titre personnel ou professionnel, nous devons tous et toutes rester à la page. L’apprentissage tout au long de la vie est devenu une condition sine qua non pour développer et mettre à jour nos compétences. Comment y arriver ? Parmi les pistes abordées dans cet article, on peut noter le fait d’adopter un état d’esprit de développement, se fixer des objectifs d’apprentissage et expérimenter des actions en vue de récolter du feedback pour ajuster notre progression.
🎬 Optimiser sa routine du matin • Cette vidéo, extraite du podcast de Andrew Huberman – neuroscientifique et professeur à l’Université de Stanford –, explore des pistes concrètes pour améliorer notre routine matinale en expliquant le fonctionnement de notre corps face au sommeil et à l’éveil (notamment le rythme circadien). Ce que j’en retiens comme action simple à mettre en place ? Le fait de s’exposer à la lumière naturelle durant 10 minutes le plus tôt possible après le réveil et retarder la consommation de caféine. En terme de changement d’habitude, ce dernier point risque de me poser un sacré défi !
“Habits are the compound interest of self-improvement. The same way that money multiplies through compound interest, the effects of your habits multiply as you repeat them. They seem to make little difference on any given day and yet the impact they deliver over the months and years can be enormous. It is only when looking back two, five, or perhaps ten years later that the value of good habits and the cost of bad ones becomes strikingly apparent.”
– extrait de l’ouvrage “Atomic Habits” de James Clear.
Contes et légendes inachevés • Après la publication il y a quelques mois d’une nouvelle version illustrée du Silmarillon, les éditions Christian Bourgois remettent le couvert. Un magnifique ouvrage, superbement édité, pour plonger dans l’univers de la Terre du Milieu développé par J.R.R. Tolkien.
Un funambule sur le sable • Ce roman de Gilles Marchand raconte l’histoire d’un enfant né avec un violon dans la tête. On y suit son évolution, ses questionnements et ses amours. Une très belle histoire sur la différence et l’acceptation, avec une inspiration non dissimulée de “L’écume des jours” de Boris Vian.
Star Wars: Andor • Sauf exceptions, j’ai souvent été déçu des nouvelles adaptations de l’univers Star Wars. À mon goût, cette série se trouve entre deux, des épisodes haletants contrastant avec d’autres fort ennuyeux. Cela reste nénamoins un bon divertissement pour plonger dans les coulisses de la création de l’Alliance Rebelle.
Nous ne sommes pas particulièrement proches, mais même d’un certain lointain : coeur avec les doigts, David.