Faut-il privilégier l’engagement ou les stratégies d’apprentissage pour favoriser la réussite académique ?
Évidences #42
Bonjour à tous et à toutes,
Il semblerait donc que l'IA nous rende tous et toutes stupides. Et en plus, c'est le MIT qui l'affirme ! En effet, l'étude récemment publiée fait sensation, tant sur Linkedin que dans la presse.
Une simple recherche Google avec les mots-clés « étude ia mit » révèle des titres alarmistes : "L'IA rend-elle idiot ?", "L'impact inquiétant de ChatGPT sur le cerveau", "ChatGPT est-il en train de casser le cerveau humain ?", etc.
Je vais être franc avec vous : je n'ai pas encore lu cette étude, et c'est délibéré. Pourquoi ? En raison d'un détail crucial qui devrait nous inciter à la prudence : l'étude n'est publiée qu'en “preprint”, ce qui signifie que cette version n'a pas encore été revue par les pairs.
Cela invalide-t-il complètement les résultats ? Je ne le pense pas (même si, je le répète, je ne l'ai pas lue). Mais une chose est sûre : le processus de relecture par les pairs existe pour une bonne raison : il permet d'affiner – voire de corriger – les potentielles faiblesses de la version initiale.
J'attendrai donc la publication “officielle” dans une revue scientifique avant d'en tirer des conclusions. Et dans un monde idéal, la presse et les personnes influentes devraient faire de même, ou du moins présenter ces résultats avec toutes les précautions nécessaires. Pour un point de vue complémentaire et nuancé sur la question, je vous recommande de consulter ce post Linkedin publié par Bastien Wagener.
Sur ce petit coup de gueule – que j'espère vous me pardonnerez –, je vous souhaite une excellente lecture 😊
À très bientôt,
David.
P.S. Étant donné que la prochaine édition paraîtra le 8 juillet prochain, je souhaite d'ores et déjà un bel été à celles et ceux qui prendront la route des vacances (de mon côté, pas de pause estivale, la newsletter continuera d'arriver dans votre boîte e-mail toutes les deux semaines).
Quel que soit notre contexte – enseignement supérieur ou formation en entreprise –, notre objectif reste identique : favoriser la réussite de nos apprenantes et de nos apprenants. Pour ce faire, l’engagement demeure un facteur que nous nous efforçons de susciter auprès de nos publics.
Malgré tout, est-il suffisant pour assurer la réussite académique ? Bien qu’il constitue un facteur non négligeable, une recherche récente vient nuancer cette idée.
Menée auprès d’un public de près de 5.000 collégiens chinois, cette étude a exploré la dynamique entre engagement, stratégies d’apprentissage et réussite académique. Les résultats mettent en évidence les éléments suivants :
Des niveaux d’engagement variables. Les résultats font état d’un engagement global modéré. De manière spécifique, ils montrent un engagement comportemental plus élevé que l’engagement cognitif ou émotionnel.
Un recours contrasté aux différentes stratégies d’apprentissage. L’équipe de recherche constate une utilisation maitrisée de plusieurs stratégies d’apprentissage (répétition, élaboration, autorégulation) mais une sous-utilisation de stratégies d’organisation (stratégies visant à structurer et organiser le matériel d’apprentissage de manière cohérente).
Un impact significatif des stratégies d’apprentissage sur la réussite. Les résultats montrent une médiation de la relation entre engagement et réussite académique. Ainsi, l'engagement n'influence la réussite que s'il est canalisé par des stratégies d'apprentissage efficaces.
En d’autres termes, l’engagement semble être une condition nécessaire mais insuffisante pour favoriser la réussite académique : les sujets faisant preuve d’un fort engagement mais utilisant des stratégies d’apprentissage peu efficaces obtiennent des résultats moins bons que ceux faisant preuve d’un engagement plus faible mais utilisant des stratégies d’apprentissage éprouvées.
Pour illustrer ce propos, imaginez une personne apprenante débordant d'enthousiasme et de volonté pour réussir une tâche d’apprentissage (engagement fort), mais qui s'y prend de manière désorganisée, sans méthode ou sans une compréhension claire de la meilleure approche à utiliser (stratégies d’apprentissage inefficaces). Malgré toute sa bonne volonté, ses efforts risquent d'être vains. À l'inverse, une personne apprenante faisant preuve d’un engagement plus modéré, mais armée de stratégies d’apprentissage éprouvées, parviendra mieux à optimiser son temps et son énergie pour atteindre ses objectifs.
Ces résultats nous invitent à prendre en compte plusieurs pistes et considérations pratiques envers les personnes apprenantes :
Former et entrainer à l’utilisation des stratégies d’apprentissage. Ne partons surtout pas du principe que notre public dispose déjà des compétences adéquates pour apprendre (à apprendre) et mettons en place les dispositifs nécessaires pour que les personnes apprenantes puissent développer leurs compétences cognitives, métacognitives et organisationnelles.
Utiliser ces stratégies comme levier d’engagement. Bien qu’insuffisant, l’engagement reste un facteur déterminant dans les apprentissages. Créons un cercle vertueux en montrant aux personnes apprenantes comment l'application de stratégies efficaces peut améliorer leurs résultats, ce qui, à son tour, renforcera leur motivation et leur engagement.
Adapter l’utilisation de ces stratégies au niveau de complexité. Plus le niveau d'études ou de compétences visées est élevé, plus l’utilisation de stratégies d'apprentissage appropriées devient critique. Un engagement fort ne suffira pas, à lui seul, face à des concepts complexes. Il conviendra donc de renforcer progressivement les compétences d’apprentissage de notre public au fur et à mesure de sa progression.
Si l'engagement constitue une étincelle, les stratégies d’apprentissage sont le carburant qui permet à la flamme de l'apprentissage de brûler. Il ne doit donc pas occulter la nécessité de doter nos apprenantes et nos apprenants de méthodes solides et efficaces. Car c'est en cultivant celles-ci que nous les aiderons à maximiser leur potentiel et à éviter de gaspiller leurs efforts.
N.B. Bien que l’échantillon de l’étude soit relativement important, il demeure limité d’un point de vue contextuel (élèves de l’enseignement secondaire supérieur) et culturel (public exclusivement chinois). Prudence donc aux généralisations. De plus, il semble y avoir des effets différenciés, mais légers, en fonction du genre. Par souci de clarté et de simplification – j’espère sans simplisme –, j’ai volontairement omis ces effets dans l’article. N’hésitez pas à consulter l’étude dans son intégralité si vous souhaitez approfondir les résultats 👇
Référence bibliographique :
Zhiqiao, H., Wenyuan, J., & Duan, N. (2025). Ineffective methods lead to wasted effort: Learning strategies are more important than student engagement in predicting academic achievement. Psychology in the Schools. DOI: 10.1002/pits.23600
Being wrong isn't something to fear but rather something to expect.
– Shane Parrish, extrait de la newsletter “Brain Food” publiée le 18/05/2025
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Merci. Articles très intéressants.
Merci pour le partage David !
En concernant l'engagement, c'est une étude intéressante qui rappelle le hiatus existant entre motivation et résultats (même si les concepts de motivation et d'engagement sont différents).